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mercredi 19 janvier 2011

Villa Médicis de Rome

villamedici.it/Note de voyage au piano Opus I
"En marge des Ciné Concerts"

Tous les chemins mènent à Rome...
Le programme de dix films muets Autour des pionniers de l'animation que j'ai été invité à venir accompagner au piano à la villa Médicis de Rome (par l'intermédiaire des 
les 24 et 26 novembre 2010), conservent pour moi, encore à ce jour, un envoutant et exaltant parfum d'irréel, tant l'image de la mythique villa a participé à éclairer la période de ma formation artistique, bien heureusement inachevée à ce jour.

En effet, ce court séjour fut pour moi l'occasion de vivre un de ces moments, véritables jalons de vie, où le cheminement de la pensée et les actions passées, confrontées à l'intensité d'un instant, s'incarnent brutalement pour façonner une nouvelle réalité, et préciser le cap à continuer de suivre.
Mes impressions pendant le séjour furent multiples, alternant entre la sensation écrasante (et vaguement décourageante) de participer, ne serait ce que d'une infime manière, à la vie de cette prestigieuse maison, et le besoin d'intégrer à ma démarche artistique le souvenir cette incroyable expérience.
Qu'il exécute une partition de musique ou qu'il accompagne un film muet, le musicien est dans un rôle d'interprète, qui met au jour une œuvre écrite dans d'autres lieux, dans d'autres temps, pour d'autres gens.
Et son travail artistique, préalable à toute prestation publique,est fortement influencé par le lieu où il se produit (et la représentation qu'il s'en fait), le public devant lequel il joue, la personnalité du piano, l'équipe qui l'accueille...
Pour souligner tous ces aspects, je souhaitais témoigner ici que la Villa Médicis, 
c'est encore mieux quand on y est que quand on en rêve !


Gaveau La villa Médicis...
Par la date et la personnalité de sa facture, le piano Gaveau de 1927 de la villa relie instantanément notre époque à celle des grands interprètes du passé, qui vivaient si intensément leur art et savaient si bien le chanter (qu'on réécoute donc Alfred Cortot ou son condisciple du conservatoire et ami Edouard Risler, pour ne parler que de deux pianistes « nationaux », exactement contemporains à cette manière de facture de pianos, et dont les interprétations m'ont accompagnées au quotidien dans la fiévreuse préparation de ce séjour).


La somptueuse acoustique du grand salon, différente du standard de nos salles de concert contemporaines, place l'interprète (que j'étais en l'occurrence) face à l'œuvre et à lui-même, dans une déstabilisation créatrice.
Clé  Grand salon

Et puis bien sûr, il y a la fabuleuse histoire de ce lieu entièrement dédié à l'art, dont la permanence a pour effet de mêler l'ombre des artistes du présent et du passé en leur offrant les mêmes atemporelles et magnifiques conditions de création : dépossédé de ses repères contemporains, l'artiste mis face à lui-même, peut choisir de répondre à cette invitation de dépasser sa propre personne pour atteindre l'Œuvre, qui est la finalité mais aussi le véritable fondement de son existence.


Les notes de voyages au piano...

Le ciné concert, de par sa nature même de spectacle vivant ne se prêtant (heureusement ?) pas à l'enregistrement, il me vint alors pendant cet incroyable séjour, l'idée d'intervertir partition cinématographique et partition musicale, pour fixer une interprétation pianistique par le moyen du film, seule manière finalement de rendre compte simultanément d'une démarche, d'un moment, d'une émotion, fondues pour un instant par le biais de cette note de voyage au piano.

Pour cet Opus I, j'ai choisi d'interpréter une pièce du compositeur Moritz Moszkowski (1854 - 1925), dont l'irrésistible humour des nombreux traits d'esprits rapportés par ses contemporains m'a toujours soutenu lors de la difficile exécution de ses pièces réclamant une exigeante virtuosité. C'est ainsi par exemple que confronté à une période financièrement difficile, ce pianiste virtuose (doublé d'un pédagogue) répondit à une mère d'élève : « Eh bien madame, je donne des leçons à 20 francs, 10 francs et 5 francs. Mais, entre nous, je ne vous conseille pas celles à 5 francs ».

Quelle plus belle leçon de vie que cette manière de mettre de l'humour dans les situations difficiles, pour dépasser une difficulté pianistique par exemple, mais tout aussi bien l'impression écrasante que peut procurer l'invitation à venir accompagner deux cinés concerts à la Villa Médicis, Académie de France à Rome.