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mardi 8 janvier 2013

Edito 1 : Janvier 2013 - Concert, Ciné Concerts Hitchcock, Renoir, Flaherty, Keaton et Lloyd

Chaque nouvelle année qui commence, en plus de permettre l'échange des voeux avec nos proches, nous invite également à penser à "nos prochains", dans le sens de nos contemporains bien sûr, mais aussi des "prochains projets" ou "prochaines rencontres" auxquels on se prépare sans les connaître complètement; pour leur permettre de pouvoir peut-être, s'incarner demain. 
Cette belle perspective est particulièrement présente en ce mois de janvier 2013 qui nous permettra de rendre visite, (les 10, 19, 22, 25, 27, 28, 29, 30 et 31) à cinq réalisateurs faisant maintenant partie des proches, grâce aux nombreuses visites consacrées à eux lors de ciné concerts passés. Qu'ils aient pour nom Jean Renoir, Harold Lloyd, Alfred Hitchcock, Buster Keaton ou Robert Flaherty, leur pensée d'ombre et de lumière est toujours vivace, et ne demande que l'étincelle du moment musical pour jaillir à nouveau, l'espace d'un éternel instant.


Et n'oublions pas que sans les collectionneurs privés et Archives nationales et régionales du film, toutes ces oeuvres seraient perdues pour tous et pour toujours. A signaler donc, la très belle brocante annuelle de Cinémachina, qui se tiendra à la condition publique de Tourcoing le 21 janvier prochain, sous la houlette experte de Daniel Najberg.  





10 janvier 2013 à 20h30
Cinéma Apollo de Châteauroux, une "Pour-Suite" musicale autour de : 
Tabou de Miguel Gomes
Portugal - Brésil - Allemagne - France / 2012 - 118' -  v.o sous-titrée, avec Laura Soveral
Prix de la critique internationale, Prix Alfred Bauer festival de Berlin 2012
Piano solo, Jacques Cambra

Tabou de Miguel Gomes / © Shella Distribution
Mais pour commencer, une première (dans tous les sens du terme) aura lieu dans deux jours, au Cinéma Apollo de Châteauroux, à l'initiative de Bénédicte Dominé, sa directrice.
Je suis donc invité, à jouer non pas comme à mon habitude, pendant la projection d'un film muet des années 1920, mais cette fois pour une "Pour-Suite pianistique" après un film sonore contemporain (faisant toutefois magnifiquement appel dans sa deuxième partie aux fascinantes ressources du cinéma muet). Il s'agit du film Tabou du réalisateur portugais Miguel Gomes, sorti sur les écrans le 4 décembre dernier.

Le choc que j'ai ressenti en découvrant ce film a été profond et demeure insidieusement vivace. Film sur le mystère de l'image que nous renvoie l'autre, et que seule la compassion permet d'explorer, film sur la mémoire qui à la fois construit nos vies tout en empêchant le présent de pleinement exister...
A travers la présentation d'un quotidien citadin qui semble devoir se répéter sans fin, puis par l'évocation d'un paradis perdu aux senteurs africaines, ce film déploie ses ailes gigantesques pour nous parler d'amour, de mort, d'horizons lointains et de la vie qui passe. Mais le choc, c'est quand on s'aperçoit que c'est notre propre coeur que les personnages (merveilleusement incarnés d'Aurora, Pilar, Ventura ou Santa) dévoilent inexorablement, révélant au final que c'est lui  qui contenait déjà ces cicatrices et ces images.
Incarner musicalement cette idée de la mémoire dans le souvenir immédiat du film qui s'est achevé il y a un instant, continuer la séance en bâtissant une nouvelle mémoire et en concevant une vie d'après, musicale celle-là... Merci à Bénédicte d'offrir cette occasion unique de s'aventurer vers cet ailleurs-là.



19 janvier 2013 à 15h00 
Forum des Images (Paris), Ciné Concert piano solo sur
Nanouk de Robert Flaherty 
(USA - 64' - 1922)
Piano solo, Jacques Cambra

© Les frères Revillon, Pathé Exchange
Avec Nanouk, premier documentaire long métrage TOUT PUBLIC de l'histoire du cinéma, nous sommes entraînés par Flaherty, et ce dès les amusantes premières images,  dans le dépaysant quotidien d'une famille inuit du début des années 1920.
Est-ce la fraîcheur des sourires, la dureté de l'environnement glacial, le dépaysement total que nous procure la vue de ces espaces hors de notre portée, qui amène ainsi ce sentiment de ne faire qu'un avec l'âme de ce peuple inuit ? A vrai dire, il apparaît que Flaherty a su, à travers le deuxième film qu'il consacre à ce sujet, être autant un explorateur des âmes, qu'un poète des images animées. Son admiration pour ces peuples, qui transpire à chaque plan, la beauté de ce qu'il a su si bien percevoir, mais aussi si bien montrer, a valu à Nanouk à sa sortie un succès mondial qui ne s'est jamais démenti et ne se dément toujours pas. Magistrale démonstration de la mystérieuse capacité du cinéma à montrer les âmes de l'intérieur vers l'extérieur du cadre, Nanouk, en nous parlant des Inuits, nous parle surtout de nous-mêmes...



22 janvier 2013 à 19h00
Forum des Images (Paris), Ciné Concert piano solo sur
Nana de Jean Renoir
(France - 1926 - 141' - d'après le roman Emile Zola)
Piano solo, Jacques Cambra

Jean Renoir parle de Nana

Lire le Roman de Zola 
© domaine public





25 janvier 2013 à 20h15 
au cinéma Jean Vigo 
de Genevilliers

Blackmail (Chantage) 

d'Alfred Hitchcock
(Angleterre - 1929 - 84', avec 
Anny Ondra, John Longden)


Piano solo, Jacques Cambra




Bande annonce originale



27 janvier 2013 à 18h00
FESTI-CINE-MEAUX ciné concert sur 
Buster Keaton dans : Sherlock Junior 
de Buster Keaton, Clyde Bruckman, Roscoe Arbuckle
(USA - 1924 - 45')

"Dans Sherlock Junior, je cours sur les toits d'un train et saisis au passage la corde d'un château d'eau pour rejoindre la terre ferme. Inutile d'expliquer la suite du gag : je reçois une cataracte"
Loin de refléter la violence du tournage qui le laissera plein de contusions et de blessures, Keaton nous raconte dans ce film (ou plutôt nous conte) l'histoire d'un petit projectionniste - balayeur qui rêve de devenir détective amateur et aussi de conquérir sa belle. Il va bien sûr finir par réaliser ce souhait, et ce grâce à la magie du cinéma. Avec une virtuosité narrative confondante, Buster que nous regardons sur notre écran va "passer" dans l'écran qu'il regarde lui (n'oublions pas qu'il est projectionniste de cinéma). Vivant des aventures sur plusieurs plans, il nous emporte dans un dédale, un délire des sens qui, signe de son génie, n'atteint jamais le vertige. On peut bien sûr penser à La rose pourpre du Caire où Woody Allen utilise le même procédé (l'écran dans l'écran). Mais on peut également rapprocher Sherlock Junior de l'Inception de Christopher Nolan, qui nous entraîne dans différents niveaux de rêves où conscience, espace et temps sont à reconsidérer sans cesse dans l'imaginaire du spectateur (Mais là, on atteint le vertige). 
Et en voyant ce film, nous réalisons (comme à chaque fois avec Keaton) à quel point son univers artistique est un savant équilibre entre le beau cinéma, l'épaisseur qu'atteint le personnage pourtant éthéré qu'il met en scène, et la drôlerie qu'il a tant voulu partager avec nous. Vraiment, il y a de la magie dans la virtuosité de cet homme là !



28, 29, 30, 31 janvier 2013 
Tournée Clap Poitou-Charentes, Ciné Concert sur 
Harold Lloyd dans : Why Worry (Faut pas s'en faire)
de Fred Newmeyer et Sam Taylor /  avec Harold Lloyd, Jobyna Ralston, John Aasen)
(USA - 1923 - 63')
Piano solo, Jacques Cambra

© droits réservés
Premier de ses films avec la merveilleuse Jobyna Ralston (Lloyd aura deux partenaires féminines principales avant de travailler avec elle : la pétillante Bébé Daniels tout d'abord, puis la capiteuse Mildred Davis qui deviendra sa femme), Why Worry est certainement l'oeuvre de Lloyd qui m'a fait le plus rire, à tel point qu'il a parfois fallu que je m'accroche au piano pour continuer à jouer, pendant que l'intrépide aventurier développait à l'écran d'hallucinantes péripéties, dénotant au fil des images un culot d'acier grandissant. 

L'argument et le film
Parti se reposer de ses tendances hypocondriaques (à peine exagérées) vers un ailleurs qu'il se représente paradisiaque, Harold se trouve pris au coeur d'une série de putschs et de contre-putschs qui secouent une république bananière : Paradisio. 
Dans ce film, Lloyd, à travers son personnage d'Harold le milliardaire, va s'attacher à décourager toute velléité d'installer un ordre établi, quand cet ordre tente de se bâtir sur les fondements de l'injustice. 
Détruisant l'ego des médiocres dirigeants en place, mettant à mal les signes extérieurs de la puissance inique des forts, au fond totalement flageolante (il signe le registre d'écrou comme un grand seigneur persuadé de prendre ses quartiers au Ritz), il parvient même à ridiculiser le fanatisme : croyant assister à une danse locale lorsqu'un homme est abattu, il applaudit !
Par ailleurs, ce film est également l'occasion pour lui de nous montrer que la véritable compétence peut se révéler en chaque homme, pour peu que l'on éprouve de la compassion pour lui (quitte à se transformer en dentiste). Cet homme que l'on n'a pas annulé malgré ses différences sociales, morales ou physiques (très physiques dans le film !) va alors pouvoir trouver sa place dans le monde, mettre à jour ses qualités jusqu'à l'excellence, et devenir finalement un précieux allié. Ce dernier élément permet d'ailleurs, me semble-t'il, de considérer que l'exotisme dans lequel se déroule l'action est plus un transfert de ce qui peut se passer dans les républiques évoluées (en l’occurrence l'Amérique du Nord), que simplement une vision générique d'une Amérique latine qui serait structurellement décadente. 
Et que serait un film de Lloyd sans une belle histoire d'amour (avec coucher de soleil magnifiquement filmé),  qui nous rappelle que le seul amour, c'est le grand amour ?

Alors, Bonnes Séances et Bonne année !

A suivre en février...